Le rôle de l'imagination dans l'esprit humain est fondamental. L'imagination est une capacité extraordinaire qui permet de voyager dans le temps et l'espace. Un moyen de définir des territoires psychiques intérieurs et extérieurs, de créer par le récit une carte de vie où les forces qui habitent l'inconnu vont prendre forme et prendre sens pour l'individu.
l'imagination est une faculté particulière de l'être humain, qui lui permet de voyager dans le temps et d'envisager des possibles : en résumé elle permet non seulement de se projeter dans le passé et le futur mais de créer le passé et le futur. Ne dit on pas "tout commence par un rêve". Cette faculté extraordinaire a permis à l'espèce humaine d'envisager sa propre évolution comme un acte de création. Alors que l'animal suit ce pourquoi il est fait, par instinct collectif, l'humain invente ce qu'il ne sait pas. L'animal suit son destin, et l'humain le précède et comme Prométhé vole le feu de la Connaissance et du devenir des dieux eux-même. La faculté de créer ou d'inventer n'existe que de façon exceptionnelle dans le royaume animal. Le langage articulé; l'invention des concepts transposés en phonèmes à permis l'ouverture de tout un espace imaginal et symbolique permettant dés lors une topologie de l'être dans son milieu. Dans la variété des souffrances psychiques on trouve en commun, pour conséquence, et notamment dans la névrose la réduction du spectre créatif et imaginatif. Le traumatisme que Jacques Lacan désignait comme un "troumatisme" exprime parfaitement ce qui déchire le champ représentatif (l'écran intérieur où surgissent les perceptions), et littéralement le "troue", induisant une impossibilité à dire ou à se représenter, des absences de mémoire ponctuelles ou persistantes, des omissions, des actes manqués ( un mot pour un autre ou un néologisme) ou des trous dans l'image du corps et même dans le schéma corporel affectant là le bon fonctionnement d'un membre ou d'un des sens. L'imaginaire trauma du névrosé est ainsi étiolé, vidé de sa substance vitale, de sa capacité à envisager l'avenir et de rêver une image vers la dimension de l'inconnu . Il s'est mué en fantasme, semblable à une alvéole ou un sortilège, sur le coté de la vie, en attendant une meilleure réponse. Le sujet psychotique, lui n'est pourtant pas en reste de son imagination chatoyante poussée au délire, mais cette faculté créative est coupée de sa réalisation comme si l'entièreté de l'énergie s'était déplacée dans cette scène sans limite qu'est le délire privant le principe de réalité d'assurer sa fonction pour satisfaire les besoins sociaux. Pour l'un et l'autre, le sujet névrosé ou le sujet psychotique, quelque chose de la possibilité de s'inventer et de s'imager en accord avec le milieu de vie parait compromise. Le désir de vie est gelé pour l'un ou en fission (nucléaire) chez l'autre. Dés lors, les différents territoires de la conscience inclus dans l'image de soi sont altérés. Le rôle de l'art dans l'accompagnement du traitement des maladies psychiques n'est plus à prouver, notamment quand le délire psychotique devient trop envahissant. Il permet de ramener la personne souffrante vers la symbolisation de celui-ci dans une forme
. Même dans les aspects les plus extrêmes de la psychose, les productions artistiques sont des réponses qui traduisent une tentative d' adaptation et de traduction de ce territoire intérieur à la communication sociale. Et là où les mots manquent chez les sujets les plus atteints dans leur développement, lignes et traits comme marques préhistoriques, rendent compte d'un espace imaginaire mystérieux dont la richesse n'est pas mesurable à l'abstraction du rendu visible. Dans ma clinique, j'ai toujours encouragé la pratique artistique. Le chant, la danse, la sculpture et la peinture agissent comme des portails entre le visible et l'invisible de la vie humaine, et avec les autres formes de vies. Mais ce n'est pas une évidence pour les sujets en difficulté psychique, qui ne bénéficient pas du support de l'institution et des propositions d'ateliers qui s'y tiennent éventuellement. L'indépendance du travail thérapeutique en cabinet rencontre l'écueil de ne pouvoir aller au-delà du territoire de la maison du patient.. C'est un écueil et un élément constructif aussi.Une réserve. Une réserve de mots et une réserve imaginaire. Il y a le territoire intérieur du sujet qui vient dire sa souffrance, et le territoire du dehors, et le territoire du cabinet qui peut être dans le dehors, mais qui finit aussi appartenir au dedans intime du sujet qui parle. Dans le travail de l'institution, le sujet est dans l'institution comme dans le corps d'une mère. Il est pris en charge. Son déficit d'énergie ou de "savoir s'en débrouiller avec la société" est compensé pendant un temps, ou plus durablement; alors il est possible de proposer des espaces créatifs. On voit combien il est important d'intégrer ces territoires imaginaires et symboliques comme des outils thérapeutiques, et de les utiliser comme tels, en relativisant leur usage aux nécessités symboliques en oeuvre dans le processus thérapeutique.